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Concept marocain de la médecine de famille

MFmaroc
MEDECINE DE FAMILLE, SCIENCE OU CONCEPT ?
Il est aisé de se référer à la définition que donne la Wonca de la médecine de famille. Il est cependant moins aisé de conceptualiser les mécanismes permettant, dans la pratique quotidienne, de mettre en place les recommandations contenues dans cette définition. Si on s'y limite, on est loin de pouvoir faire la différence entre la médecine de famille et ce que nous avons toujours connu de la médecine générale.

(World Organisation of National Colleges, Academics and Academic Associations of General Practitioners/Family Physicians) 

COMMENT EST NE LE CONCEPT DE MEDECINE DE FAMILLE AU MAROC ? 
L'USAID (United States Agency of International Développement), dans le cadre de sa coopération avec le ministère de la santé marocain, avait financé les méthodes de contraception depuis 1965 et devait se retirer en 2000. Pour éviter de perdre les acquis en matière de planification familiale, il était nécessaire de former les médecins généralistes dans cette stratégie afin qu'ils prennent en charge les femmes qui, pour une raison ou une autre, ne désiraient pas se rendre dans les structures de la santé publique mais qui n'avaient pas les moyens d'avoir recours aux médecins spécialistes. Ainsi près de 1.000 médecins généralistes ont été formés à travers le Maroc. L'évaluation de cette formation, sur la base du nombre de stérilets posés dans le secteur privé, n'a pas donné les résultats escomptés.

Suite à cet échec relatif, une autre stratégie a été adoptée : former des médecins généralistes dans la formation de leurs collègues à travers les groupes de pairs, sur la base d'un dossier médical standardisé. De là est née la Société Marocaine de Développement de la Médecine de Famille.

DEFINITION DE LA MEDECINE DE FAMILLE

La notion de médecine de famille initiée par la SMDMF a été galvaudée au fil des années. Devenue une mode plus qu'une pratique, il faut se rendre à l'évidence que cette appellation ne se distinguait en rien de la médecine générale et, au mieux, s'y substituait au même titre que la médecine de premier recours, de première ligne ou de proximité. Chacun la comprenait à sa manière. Aussi serait-il judicieux de tenter une définition selon le concept originel de la SMDMF en commençant par définir ce qu'elle n'est pas.  

  • Ecartons d'emblée une confusion généralement faite entre médecine de famille et médecine des familles, erreur fréquemment commise par ceux qui comptabilisent le nombre de familles qui constituent leur patientèle. Or il est difficile de cerner les limites d'une famille. Faudrait-il prendre en considération les parents et grands-parents, les beaux-parents ? un individu seul ne peut-il être considéré comme une famille, ou bien peut-on considérer qu'une même famille puisse avoir plusieurs médecins de famille entre le gynécologue qui traite la femme, le pédiatre qui traite l'enfant et le généraliste qui traite le père ? Et quand les enfants se marie dans d'autres villes, le médecin traitant devient-il moins médecin de famille ?
  • La médecine de famille n'est pas un mode d'emploi que l'on peut glaner sur l'internet et mettre en pratique.
  • Elle n'est pas non plus une science à part ou une branche bien individualisée de la médecine comme la cardiologie, la psychiatrie ou la chirurgie. De ce fait elle ne peut obéir à une formation qui serait sanctionnée par un diplôme, à moins qu'elle ne soit un patchwork de sujets décidés par on ne sait qui pour on ne sait quoi. A ce propos, il est important de préciser que la médecine de famille, dans le concept élaboré par la SMDMF, n'est pas basée sur l'acquisition de connaissances préalablement définies mais sur « le changement des comportements » dans la prise en charge des patients, par l'introduction du concept qualité pour la promotion de la santé. Ce changement ne peut être atteint que par une formation adaptée aux situations rencontrées sur le terrain et son évaluation par les groupes de pairs, sachant que le couple formation-évaluation est indissociable. Pour y parvenir, il est indispensable de mettre en place des outils dont les trois plus importants sont le dossier médical standardisé (informatisé ou papier), le carnet de santé et l'implication de la masse des médecins par quartier, par ville ou à travers tout le pays. 

Ce changement de comportements attendu est à la fois le fondement et le but de la médecine de famille. Il détermine la qualité des soins, les dépenses qui en découlent, la formation « en continu » des médecins, leur organisation, la recherche épidémiologique, l'image des prestataires.

En définitive, on peut définir la médecine de famille par une formule simple :
(D X T) X P
Où D = Diagnostic
T = Traitement
P = Patient

Ainsi, un bon médecin qui fait un bon diagnostic et qui instaure un bon traitement ne peut être efficace que s'il implique le patient dans sa propre prise en charge et en fait un « patient-partenaire ». En effet, si P = 0, (D X T) X P = zéro. Donc la médecine de famille est ce passage de (D X T) à X P.  

A L'IMPOSSIBLE NUL N'EST TENU

Compte-tenu de l'immensité du savoir et de l'évolution rapide de la science, des connaissances à entretenir et à acquérir, il est indispensable de définir « la mission du médecin généraliste » en mettant le patient au centre de ses intérêts et en sachant que le médecin lui-même a des droits.

Une fois sa mission définie on peut revisiter sa formation de base et lui fixer des objectifs pour sa formation continue en fonction de plusieurs facteurs :

- En fonction des contraintes externes :
  • Législatives : obligation de la formation continue, obligation de traiter selon les données acquises/actuelles de la science
  • Priorités nationales de santé publique
  • Limite des moyens (du patient, des organismes d'assurance-maladie, de l'infrastructure sanitaire)
- En fonction des contraintes personnelles :
  • Contraintes familiales
  • Contraintes de temps
  • Tiers-temps et temps de repos
  • Charges : fiscalité, retraite, assurances diverses, couverture sanitaire, etc.
RATIONALISER LES MOYENS ET LES EFFORTS 
  • Délimiter les connaissances indispensables en fonction des besoins sanitaires selon le contexte épidémiologique et à venir
  • Développer l'approche par compétences
  • Développer l'approche multidisciplinaire
  • Mettre à disposition les documents et les données épidémiologiques, d'où l'intérêt du partenariat Public-Privé
  • Assurer le « service après-vente » par l'E-learning : ceci est de la responsabilité de l'Université. En effet, vu l'océan du savoir et l'impossibilité pour le médecin de se tenir à jour dans toutes les spécialités, il appartient à chaque département d'informer les praticiens sur les nouveaux acquis de la science.
CONCLUSION

La médecine de famille est de la responsabilité du médecin, certes, mais également des associations et sociétés savantes, de l'Université, du ministère de la santé et, en définitive, de l'Etat à qui revient l'obligation de fournir au médecin les moyens de sa formation.

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