Le silence des défenses

Ils naissent avec un corps comme les autres,
des yeux qui brillent, des sourires normaux,
des premiers pas parfois plus lents,
des petites fièvres, des rhumes qui traînent,
des toux qui s'accrochent au fil des mois.

Les parents s'inquiètent,
mais on les rassure.
Ce n'est rien, disent les voix pressées.
Une fragilité saisonnière,
un manque de sommeil,
une enfance un peu plus sensible que les autres.

Puis viennent les infections à répétition,
les antibiotiques à la chaîne,
les rendez-vous qui s'empilent
dans les carnets de santé.
On envoie l'enfant de pédiatre en pédiatre,
de généraliste en ORL,
de radio en scanner,
mais le mal, lui, reste sans nom.

Dans cette errance floue,
personne ne pense aux défenses.
Personne ne dit : et si c'était l'immunité ?
Et pourtant…
Soixante-dix pour cent
ne seront jamais diagnostiqués.
Pas parce qu'ils sont trop rares,
mais parce qu'on oublie de les chercher.

Maladie fréquente déguisée en exception.
Rareté fabriquée par l'ignorance.
Sous nos yeux, des enfants, des adolescents,
des adultes même,
portent un déficit immunitaire
comme on porte une absence d'armure.

Ils grandissent entre deux antibiothérapies,
entre deux rendez-vous manqués,
entre deux diagnostics mal posés.
Leurs familles s'épuisent à comprendre
ce que personne ne leur explique.

Et pourtant, le diagnostic est simple.
Un dosage d'immunoglobulines,
quelques examens ciblés,
une écoute attentive
face à des infections trop fréquentes,
trop longues, trop atypiques.

Rien d'extraordinaire,
rien d'impossible.
Juste penser à le faire.

Et le traitement ?
Pas une chimère.
Des immunoglobulines à perfuser,
des vies qui reprennent souffle,
des corps qui se défendent enfin.

Mais il faut y penser.
Il faut poser la bonne question.
Il faut écouter différemment
quand les symptômes s'acharnent.
Il faut oser sortir du réflexe,
oser la rareté fréquente.

Derrière chaque retard de diagnostic,
il y a des mois perdus,
des organes abîmés,
des fatigues profondes,
des enfants repliés,
des familles aux abois.

Ce n'est pas une fable de spécialistes.
C'est une urgence d'attention.
Une vérité simple étouffée par l'habitude.

Alors que tout pourrait changer,
si l'on pensait à ce qui manque
quand tout semble là.
Si l'on regardait le système immunitaire
comme on regarde un feu qui vacille
malgré toutes les braises.

Un nom, un test, un traitement.
Et une vie qui recommence.