Nous savons tous que l’essence même de la profession médicale est centrée sur le patient, que le médecin est appelé à suivre dans sa globalité, parfois sur de longues périodes, et le plus souvent en coordination avec d’autres prestataires de soins.
Tout médecin doit savoir utiliser les ressources nécessaires pour préserver et ses compétences et la confiance de son patient; Ceci implique la responsabilité médicale, les droits du patient et l’ensemble, dans un cadre éthique.Nous allons donc commencer par quelques définitions succinctes de ces termes.
Pour ce qui est de l’éthique : l’éthique mène une réflexion universelle sur les morales. Elle est débat avant d’être norme. Soumise à de nombreuses discussions, elle a connu une grande évolution depuis l’éthique hippocratique à nos jours (1). Hippocrate écrit « avoir dans les maladies deux choses en vue, être utile ou ne pas nuire ». Le serment de Genève de l’association mondiale médicale dit dans sa première version de 1948 que « la santé de mon patients sera mon premier souci » (2).
L’intérêt du malade est de ce fait la pierre angulaire de l’éthique médicale.
Alors que dans sa version traditionnelle l’éthique n’exigeait des médecins que leur responsabilité envers leurs patients, de nos jours les médecins doivent tenir compte des besoins de la société : comme par exemple l’allocation des ressources limitées allouées aux soins.
La constitution de l’OMS établit que « la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre, constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain » (3).
Le droit à la santé comprend l’accès, en temps utile, à des soins de qualité satisfaisante, et d’un coût abordable. Le droit de jouir du meilleur état de santé possible implique que soient réunis un ensemble de facteurs sociaux favorables à la santé de tous. On est donc passé d’une prépondérance de la conscience individuelle à une éthique collective. La santé implique une dimension sociale. Elle n’est pas l’affaire de médecins et d’hôpitaux mais de groupes d’humains. (4)
Et "si la médecine est l’affaire de médecins, la santé est l’affaire de chacun". (5)
D’autre part, Il ne faut pas oublier que, comme tout être humain, le médecin a des droits. l’éthique médicale serait donc incomplète si elle ne tenait pas compte de la manière dont les autres, patients, société ou collègues doivent traiter les médecins.
En matière de responsabilité médicale, il faut distinguer entre responsabilité source de sanctions (pénale ou disciplinaire) et responsabilité source d’indemnisation (civile ou administrative). La responsabilité médicale est classiquement de type contractuelle : « il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comprenant, pour le praticien, l’engagement de lui donner des soins conformes aux données actuelles de la science » ; elle donc une responsabilité de moyens.
Nous distinguons :
- la responsabilité administrative et en tant qu’acteur de santé publique : par exemple l’établissement de certificats médicaux, recueil épidémiologique et participation à la veille sanitaire, …
- la responsabilité économique:
Le médecin doit prendre en considération les ressources propres des patients, ainsi que son rapport avec les organismes sociaux
- Et les obligations médico-légales du médecin : La Responsabilité civile professionnelle et responsabilité pénale, l’obligation d’assurance, l’obligation d’information et d’obtention de consentement du malade, etc.
L’éthique, le droit aux soins et la responsabilité médicale sont étroitement intriqués dans toutes les définitions universelles. Il semble évident de ne pas limiter le champ d’action à la santé en son sens strict, mais de chercher à améliorer tous les facteurs qui peuvent l’influencer.
La vision de la société marocaine de médecine générale :
Les besoins humains vont inévitablement se heurter aux limites de moyens qui vont être alloués aux soins. Le médecin doit prendre conscience que les choix économiques vont, en fin de compte, arbitrer entre les différentes thérapies. Nous pensons que les choix économiques tiennent dans la recherche de solutions les plus efficaces. Ne serait-ce que par ses prescriptions, le médecin doit savoir qu’il va peser sur les équilibres financiers des organismes d’assurance maladie.
Les obstacles responsables de l’inégal accès aux soins diffèrent d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre et d’une communauté à l’autre. Entre ce qui doit être fait et ce qui peut être fait, au sein de la SMMG, nous avons opté pour ce que nous nous pouvons faire.
Notre stratégie est d’apporter des solutions nouvelles à différents niveaux de la prise en charge du patient, en tenant compte de la spécificité de notre pays.
Le projet RE.G.A.R.D.S :
Réseau Généraliste d’Alerte et de Recueil des Données Sanitaires, s’inscrit dans cette optique selon quatre axes principaux :
- Le premier axe est centré sur l’accès aux soins et la formation médicale : Le médecin généraliste privé fait l’effort de faciliter l’accès du citoyen aux soins, sur le plan géographique, en s’installant dans les zones les plus reculées. Il s’investit, suit des formations, des diplômes universitaires, mais ne peut se spécialiser en tout, d’où la nécessité de rationaliser les efforts par une formation adaptée avec des objectifs qui vont avoir un impact sur la santé du citoyen.
Le réseau RE.G.A.R.D.S est un réseau qui lie des médecins sentinelles par voie informatique à une plateforme de recueil et de traitement épidémiologique et statistique de données sanitaires, via un dossier médical standardisé informatisé, ce qui va permettre d’identifier les pathologies les plus fréquentes par région. Les résultats obtenus détermineront le choix d’une formation médicale ciblée, adaptée aux besoins socio-économiques du patient ainsi qu’aux programmes prioritaires de santé publique et à l’acquisition de gestes pratiques de première ligne (via l’installation de Guidelines, le télé-enseignement, le rôle des sociétés et associations médicales…).
- La formation médicale continue est une obligation pour tout médecin. C’est une obligation médico-légale et déontologique, puisqu’il est sensé exercer selon les dernières données scientifiques. « Tout ce qui n’est pas scientifique n’est pas éthique ». (6) Des textes de loi envisagent de modifier l’organisation et l’évaluation de cette formation.
La formation de l’assistante représente le deuxième axe. Une formation spécifique de l’assistante s’impose afin de libérer le médecin qui pourra consacrer ainsi plus de temps à sa consultation et à la recherche de pathologies pour lesquelles le patient n’est pas venu consulter, dans le cadre de la prévention, et aussi afin de déléguer à l’assistante certaines tâches importantes comme :
- véhiculer des messages harmonisés : prévention, danger de l’automédication,…..
- prise de rendez-vous et accompagnement du patient dans le dédale du circuit de soins, transfert vers les structures publiques …..
- Le troisième axe correspond à l’information du patient. Le droit du patient à l’accès aux soins est envisagé sous l’angle d’en faire un patient-partenaire, acteur dans sa propre prise en charge ; ceci passe par son droit à l’information qui commence au sein du cabinet par le travail de sensibilisation, via les messages harmonisés. Il nécessite, en parallèle, la mise à contribution d’autres acteurs de santé (Médias, Associations locales, Etablissements scolaires, communes, pharmaciens, etc.)
- Et enfin, le quatrième axe concerne les partenariats : Pour établir un circuit de soins complet du patient, l’instauration de multiples partenariats est à envisager.
* le partenariat public-privé, en premier lieu avec le ministère de la santé publique (accès des médecins généralistes privés aux hôpitaux, circuit de rendez-vous et de transfert de patient dans les structures publiques, ….), avec le ministère de l’enseignement supérieur dans le but de la formation spécifique, l’accessibilité des médecins généralistes privés aux facultés, la formation de formateurs, la réalisation des Guidelines, ….), avec le ministère de la jeunesse et des sports, de l’intérieur et d’autres ministères, dans la cadre de l’information et la sensibilisation des populations.
* le partenariat privé – privé : entre médecins généralistes privés et pharmaciens, afin de véhiculer des messages de sensibilisation harmonisés mais surtout dans le but de recruter les malades réfractaires à la médecine moderne ; le partenariat entre médecins généralistes privés et médecins spécialistes privés par une collaboration multidisciplinaire, via un carnet de santé et un suivi permanent du patient, et ceci par le biais de l’instauration d’un parcours coordonné des soins afin de rationaliser les efforts et les dépenses de soins.
*Et enfin, le partenariat avec les organismes nationaux et internationaux.
En conclusion, le droit d’accès aux soins est tributaire de plusieurs facteurs qui engagent la société tout entière, en commençant par le patient lui-même envers lequel son médecin a des obligations morales, déontologiques et légales dans un cadre éthique. Compte tenu de l’hétérogénéité des moyens, il est donc impératif de rationaliser les ressources limitées par l’instauration d’un circuit coordonné des soins. Ceci peut être réalisé par le projet RE.G.A.R.D.S, avec toutes ses retombées économiques, sanitaires, scientifiques, et sociales.
Pour sa part, la SMMG oeuvre pour la concrétisation de ce projet auquel nous invitons tous les médecins à contribuer en masse.
Enfin je reste à votre disposition, ainsi que tous les membres du bureau de la SMMG, ici présents, pour répondre à vos questions.
Merci pour votre attention.
(1) Pr B. HOERNI.
(2) Première version du serment de Genève de l’AMM, 1948.
(3) (4) La constitution de l’OMS.
(5) Dr A. BENABBOU.
(6) J. BERNARD. XXème siècle.GP.